Chimères

15 mars 2019

Fashion | Looks | Shootings

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Pictures by Valentine Michel

Skirt : Parosh / Top : Topshop / Béret : Brothers and Sisters / Shoes Roger Vivier / Bag : Mulberry

Souvent le matin, lorsque le sommeil paradoxal est à son sommet d’activé, il m’arrive de rêver d’une époque bien définie, et dans laquelle je me retrouve tout à coup transportée comme si je voyageais à travers le temps en spectatrice omnisciente, étant à cheval entre ce passé et mon présent dont je dispose de la conscience, ainsi que de la distanciation que celle-ci implique, facultés qui me conduisent par conséquent à observer cette bulle temporelle à travers un filtre de déchirante nostalgie. Récemment dans un songe, je me suis retrouvée projetée dans ma chambre d’adolescente, le décor, les volumes en étaient les bons, mais l’ensemble des sentiments et des souvenirs que ce lieu faisait surgir dans la mémoire qui m’était à ce moment donnée était entièrement factice, ne reposant que sur l’illusion, à l’instar des émotions qui étaient provoquées par  ces résurgences. Ainsi, la joie étourdissante et naïve que je pu ressentir en me projetant de ce passé fabriqué, et la peine que l’évocation de cet âge d’or a suscitée chez moi ne sont en réalité que des créations, car au réveil ces sentiments qui étaient pourtant étourdissants de puissance s’évanouissent peu à peu comme par vagues, et lorsqu’ils se retirent, le vrai m’apparait à nouveau, débarrassé de ses ors; non, ce n’était pas l’époque bénie de ma vie, et non, ces liens, ces gens même, n’ont pas existé.

Voilà, c’est tout à fait moi, je créé le passé, je le sublime et bien que je sache qu’il soit entière duperie, je ne peux pour autant refréner le bouleversement qu’il insinue en moi. D’où la chambre adolescente, cette pièce qui a vraiment existé mais à laquelle je ne peux plus accéder, d’une part car elle ne m’appartient plus, et d’autre part car sa substance, c’est à dire les objets qui la tapissent ainsi que les habitudes qui y sont associées, restent prisonniers de cette temporalité révolue, et c’est justement cette part d’impossibilité qui domine dans ces projections récurrentes, toujours liés à la disparition d’une personne, d’un lieu, d’une époque. Faut-il les lier avec l’autre rêve qui me poursuit, à savoir celui où je cours à en perdre haleine pour échapper, non pas à une entité dangereuse, mais à une personne qui me déçoit, me blesse ou m’oppresse? Dans l’un, je m’agrippe de toutes mes forces au fugace, dans l’autre, je fuis le tangible. Nul besoin d’un diplôme de psychologie avancée pour en comprendre les significations, celle de comptoir suffira largement: je ne sais pas apprécier le présent, car je ne peux m’empêcher de me réfugier dans un passé glorifié que j’aurais presque entièrement fabriqué, et dont je refuse de considérer la mécanique des artifices. Est-ce un mal? Assurément oui, sauf si l’on fait de ce processus de création permanente, de cette fictionnalisation du réel, une carrière ou un passe-temps défouloir, et c’est alors qu’apparaît l’écriture qui devient salvatrice.

From Paris with Love,

Louise


8 commentaires



  1. Hanna dit :

    J’aime beaucoup ces photos, super inventives, la seconde est vraiment incroyable ! Fan du quasi-monochrome aussi.
    Je me retrouve dans cette construction du passé que je revisite sans cesse dans une profonde mélancolie et en en effaçant les mauvais souvenirs pour me persuader que je n’ai pas su profiter d’une époque dorée. Petite, je ne voulais que grandir, je ne supportais pas d’être enfant. Maintenant je me suis mise en tête que c’était la meilleure époque de ma vie alors qu’elle est révolue et que je ne pourrais jamais la revivre, même si parfois il me semble que c’est tout ce que je souhaite.

  2. Ruth Miranda dit :

    For me, writing has always been a salvation, a way of not losing my mind or my self.

  3. Lou dit :

    Bonsoir Louise.
    Je ne peux que te conseiller la lecture d à la recherche du temps perdu de Proust.
    Pour ma part, j ai mis un an à le savourer et à saisir en quoi cet oeuvre me parle tant. Par ailleurs, nous en avions discuté par SMS il y a un an, mais, ce type de sensation fait écho à mon fonctionnement de personne HQI, faussement diagnostiquée « borderline » par des psys incapables il y a vingt ans, les lectures sur la douance, la reconnaissance de mon haut potentiel par des tests m ont permis de comprendre cet configuration neurocognitive si atypique.
    Par ailleurs la nostalgie chez moi est quasiment une reviviscence qui a la différence d une réminiscence à une trace et un impact considérables, ton article m y fait songer. Bien à toi. Lou

  4. NatGinger dit :

    Si cela peut vous aider Louise, on dit que tout ce qui nous court après dans un rêve veut nous appartenir. Cette personne qui vous déçoit, vous blesse, etc. peut-être est à écouter, dans le rêve ou en y réfléchissant, car il se peut (je n’ai pas la science infuse, je parle de ce que j’ai découvert), il se peut donc que cela soit une partie de vous, comme un reflet de ce que vous vous infligeriez à vous -même, comme un message estampillé « urgent » et qui prend cette forme pour attirer votre attention consciente. Peut-être…. Prenez ce commentaire pour ce qu’il est : une réflexion après avoir lu votre si émouvant texte…
    Oui, je crois comprendre ce que vous ressentez quand vous parlez de cet attachement au passé, glorifié; mais devez-vous forcément vous en vouloir de cette façon de faire, d’être? Je ne crois pas qu’il s’agit là de quelque chose de si négatif, c’est une production de votre être profond, ne vous jugez pas (j’ai cette impression dans ce que vous écrivez), peut-être qu’une piste serait de remercier cette façon d’être, vous avez là une richesse immense, un don créatif, il a aussi des choses à vous dire: certes, vous n’êtes pas comme tout le monde, certes, peut-être n’êtes-vous pas dans le « tangible », peut-être qu’on vous le reproche (et que cela vous interpelle car c’est ce que vous vous reprochez au fond), mais moi je me demande si ce n’est pas au contraire une façon différente mais richissime de mieux vous connaître vous-même. Aimez-vous telle que vous êtes! Ne rejetez pas cette façon d’être pour vous couler dans le moule d’identification des autres, vous êtes unique! Bon, après cette séance d’interprétation psy machin, chose, faute de comptoir où siroter un Pastis (il est un peu tôt :) je vais me faire un thé en vous embrassant très fort!

  5. Le maquillage de tes yeux est tellement beau, j’aimerais réussir a me faire la même chose!
    Bises

    Justine
    http://lemagdejustine.com

  6. homoartsapiens dit :

    Très belle photo que celle des trois visages qui m’a fait pensé à l’univers de Luis Bunuel, et très touchant témoignage. En tous les cas, de part votre travail, vous démontrez que vous parvenez à faire des fondus-enchaînés entre hier et l’avenir ce qui vous permet d’avoir un sens de l’histoire affûté, d’autant que comme disait Louise Ackermann dans un de ses poèmes vous savez écouter la rumeur des âmes dans les ondes…Quant à l’écriture, dont vous dites qu’elle devient salvatrice, je me suis remémoré ces mots de Christian Bourgeois : « des mots pour tout dire, en somme, y compris ce que l’on arrive pas à cerner tout à fait – comme si chacun d’entre eux pouvait être une sonde jetée dans l’abîme de ce que nous ne savons pas »…Bien à vous

  7. Homoartsapiens dit :

    Très belle photo que celle des trois visages qui m’a fait pensé à l’univers de Luis Bunuel, et très touchant témoignage. En tous les cas, de part votre travail, vous démontrez que vous parvenez à faire des fondus-enchaînés entre hier et l’avenir ce qui vous permet d’avoir un sens de l’histoire affûté, d’autant que comme disait Louise Ackermann dans un de ses poèmes vous savez écouter la rumeur des âmes dans les ondes…Quant à l’écriture dont vous dites qu’elle devient salvatrice je me suis remémoré ces mots de Christian Bourgeois : « des mots pour tout dire, en somme, y compris ce que l’on arrive pas à cerner tout à fait – comme si chacun d’entre eux pouvait être une sonde jetée dans l’abîme de ce que nous ne savons pas »…Bien à vous

  8. Steeve Orville dit :

    Ben les amis de mes amis sont mes amis ! Louise vs Justine

    https://www.facebook.com/steeve.orville

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