De l’Écriture

14 mai 2018

Fashion | Life | Paris

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Pictures by Valentine Michel

Être écrivain pour moi, c’est se poser en alchimiste du quotidien. Un jour dans un avion, alors que je fixais sans le voir un objet connu de moi seule, et qui n’était qu’une simple page blanche sur laquelle dérouler le fil de mes pensées, ma mère m’avait dit, « quand tu es comme ça, c’est très déroutant, on ne sait pas ce que tu penses ». Moi, aimant les mots et l’histoire plus encore, je me voyais biographe, plume au service des autres, quand au roman, au journal, non ça c’était pour les autres, ceux qui inventent et ceux qui s’étalent. Pourtant, ne suis-je pas la pire des égotistes, moi qui déjà enfant me regardait vivre et en tirait des histoires fabuleuses, foulant sans peine les dunes des sables de Gizeh ou faisant claquer mes talons dorés sous les glaces empoisonnées de Versailles ? Je m’inventais des odyssées, et jamais je n’ai cessé d’altérer la réalité, de la transformer pour en tirer le matériau sacré, celui de la magie, du mythe, du rêve.

Il m’arrive souvent d’être perdue dans le labyrinthe qui tapisse ma tête, mais je n’ai nul besoin d’Ariane et de son fil car je m’y laisse volontiers glisser, perpétuellement stimulée par le ronronnement des ces monologues interminables qui se déroulent d’un moi à un autre, du lever au coucher, d’un point A à un point B. Mais ce matériau brut, dense et étirable à l’infini, qu’en faisais-je ? Par grand chose, quelques textes destinés au blog, des soliloques nerveux pour mes proches, et, par intermittences, des fragments de journaux, exercice que je finissais toujours par abandonner, car la force du poignet ne parvenait jamais à s’accorder sur celle de l’esprit, les phrases me bombardant à une telle vitesse que je n’arrivais pas à les saisir au vol, et le carnet inachevé de s’en aller rejoindre la pile des autres dans la poussière.
Un jour, Anaïs Nin est arrivée, et j’ai compris que je pouvais tirer profit  de cette vie mouvementée qui est la mienne. A quoi cela sert-il de jouir ou de souffrir, sinon à écrire ? Par un après-midi de février, je suis passée du papier au clavier, et c’est ainsi que je suis devenue une droguée du journal. Il y a une certaine catharsis lorsque d’acteur on devient narrateur, dramaturge même, à tel point que les émotions en viennent à s’effacer d’elles-même pour ne pas gêner la gestation des lettres qui tantôt se font poignards, tantôt caresses, c’en est troublant et affolant à la fois. Devant mon ordinateur, je dissèque et je déforme; dans les rames du métro, je m’interroge et pense, pense assidûment des heures durant, et c’est tout au long du jour que les mots viennent pour me hanter, déjà ils s’assemblent, prennent forme, vite, il me faut les fixer sur un support, bout de papier ou email sans destinataire, ils comme sont des flaques de peinture que je lance et qui me tachent les mains, et qui attendent, dans l’atelier mal rangé de mon imaginaire, que je vienne -parfois des mois après- en tracer les contours, en faire danser les nuances. La dentelle. Plus tard, grâce à Annie Ernaux, j’ai compris que l’on pouvait de l’ordinaire tirer le somptueux, et je me suis attachée à observer intensément le monde autour de moi, a la manière d’un sage japonais, pour tenter d’en extraire l’élixir magique qui transmute le banal en merveilleux. En somme, de la cuisine, donnez-moi un œuf et de l’huile et j’en ferai une mayonnaise, et que m’importe si l’on me dit : « les choses que tu décris ça n’est pas la réalité, c’est ce que tu vois toi, et ça ne se passe pas toujours comme ça ». Mais c’est peut-être ça être écrivain, -écrivaillon ou écrivain raté, la grâce étant toujours sélective – c’est, dans un tapis de fleurs n’en choisir qu’une poignée, certaines sublimes, d’autres insignifiantes, et, nonobstant le reste, en composer un bouquet merveilleux, un bouquet à soi.
Voilà pourquoi je suis devenue silencieuse et parfois anormalement calme, ce qui ne manque pas d’étonner les amis m’ayant toujours connue agitée, c’est parce que j’ai trouvé mon divin catalyseur, mon but, mon journal, et comme la Joconde, je souris car j’ai un secret. Vouloir, Oser, Savoir, Se Taire, tels sont les quatre grands piliers alchimistes que l’on pourrait aisément appliquer à la pratique de l’écriture diariste, et, pour la première fois, et après avoir traversé un à un ces paliers qui sont autant de pouvoirs, je n’ai plus qu’une envie, c’est celle de chaque jour travailler, avec force et assiduité, à ces carnets cachés que personne ne lira, sauf moi.
En bref, tout ce laïus un peu pompeux pour vous dire que je ne suis pas très bavarde ces derniers temps, car j’ai trop tendance à réserver mes mots pour mon journal, mais je vais y remédier c’est promis ! J’ai déjà retrouvé l’habitude de l’écriture, ce qui est un grand pas en avant.

Top : H&M (last year) / Skirt : Boden / Shoes : Jonak

Shirt, Trousers and Ballerina flats : Boden / Necklace : Les Nereides / Bag : Christian Louboutin

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From Paris with Love,

Louise


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