Pictures (of me) by Pauline Darley
Vous souvenez-vous de la dernière fois que vous avez mis les pieds dans un musée, vous souvenez vous de ce que c’était, que de parcourir, d’un pas bref ou nonchalant, de vastes salles au parquet vernissé, parfois seule peuplées d’un placide surveillant flanqué de son éternel acolyte, la chaise pliable à dossier de toile noire, et de s’extasier, sur des huiles sur toile, sur des pastels sur papier, sur des sanguines, des grisailles, des paravents, des bustes, des pissotières si vous voulez, en somme, sur des oeuvres comme s’il en pleuvait, de quoi en émailler les murs jusqu’au plafond, façon Salon des Artistes Français. Oh, se pencher sur un cartel, s’abandonner dans la contemplation d’un grand format depuis l’accueillante assise d’une banquette de velours pourpre, que dis-je, j’ose m’avancer, j’en viens même à regretter l’inévitable détour par la boutique, ses violents néons, ses guirlandes de produits dérivés d’un goût souvent douteux. Mon royaume pour un mug l’Origine du Monde. Chaque jour ou presque, m’arrive-t-il de me lever avec cette envie féroce de « me faire un musée », comme d’autres se font une plaquette de chocolat entière, un truc de goinfre, de la consommation bestiale, bouffer de l’oeuvre, se tapisser le palais de retables, de triptyques et de polyptyques, attaquer, plein d’entrain, un gros morceau de Settecento, trouver dans la tendresse du rococo le plus exquis des entremets, avant de finir, comme une apothéose, par une farandole de fin-de-siècle, goules, Goulue, cauchemars et Mare-au-Diable. Je ne peux hélas qu’en rêver, me fabriquer, comme le Des Esseintes d’A Rebours des visions hallucinées, presque grotesques, car j’aurais beau bouillir, piétiner, les musées, chaque jour, restent encore désespérément fermés.
Et puis, et puis, par un beau jour de février, une trouée dans le ciel, une percée de grâce dans le néant : cette journée à Moulins organisée par l’agence Béatrice Martini, où nous avons visité -et attention tenez-vous bien- non pas un, mais deux musées. Deux musées dit-elle, les yeux mouillés de reconnaissance. Dieu existe, et il a probablement un mug l’Origine du Monde.
Située à deux heures et trente minutes de Paris, et facilement accessible en train, Moulins est une charmante ville d’art et d’histoire dont le nom provient des nombreux moulins à eau qui fleurissaient autrefois le long des berges de l’Allier, rivière éponyme traversant le département.
Ayant été possédé une riche activité industrielle tout au long de son histoire, la ville possède un patrimoine architectural très diversifié, allant de la maison à colombages médiévale aux constructions à cortile et succession d’ordres antiques, typiques de l’école palladienne italienne, en passant par le néo rococo et l’art nouveau 1900 ! Que de voyages pour ce petit centre ville.
Ce cliché, je vous l’accorde, n’a pas grand intérêt, si ce n’est pour vous illustrer -brièvement, n’est spécialiste pas qui veut- l’histoire des ducs de Bourbons, intrinsèquement liée à celle de Moulins. A l’orée du XIVème siècle, ceux-ci en font la capitale de leur duché, et y font construire un vaste château, dont il ne subsiste aujourd’hui que la tour du donjon (en photo, donc), la fameuse « mal coiffée », telle que la baptisa un jour son bâtisseur, le duc Louis II Le Bon, pour une raison qui, à ce jour, reste obscure. C’est au XVème siècle toutefois que Moulins connut un important essor, sous l’égide du duc Jean II qui commandita la plupart des monuments qui, aujourd’hui encore, sont associés à la ville, comme le Jacquemart ou la collégiale de la cathédrale. Sous son règne, Moulins devint cour éclairée, une terre d’accueil d’artistes et de poètes. Mais la véritable star de Moulins, celle qui en fit un centre des plus brillants, c’est l’incomparable Anne de Beaujeu, fille de Louis XI et épouse de Pierre II, le successeur de Jean II, mais surtout régente du royaume de France à la mort de son père, habile diplomate et femme de pouvoir d’une intelligence politique hors-pair. Un exemple édifiant, hélas trop rare dans notre histoire ! C’est donc son nom que porte le musée des Beaux-Arts de la ville, que nous avons évidemment visité.
Moulins est le chef lieu de la cathédrale de Notre-Dame-de-l’Annonciation, qui abrite également la collégiale des ducs de Bourbons. Sous l’égide de Jean-Baptiste-Antoine Lassus, un collaborateur de Viollet-le-Duc, elle fut agrandie au XIXème siècle dans le style néo-gothique, ce qui en doubla la surface (cette partie se distingue aujourd’hui par son aspect surélevé), et la permit de s’orner de deux superbes flèches, que l’on peut rapprocher de celle -hélas défunte à ce jour- de Notre-Dame de Paris.
Les deux trésors de cette cathédrale, ce sont, d’une part, une vierge noire datant du XIème siècle (pour ceux qui se rappellent mes articles sur Chartres, les vierges noires sont rarement noires à la vase, étant plutôt la conséquence d’une oxydation progressive du bois, également victime de dépôts accumulés de fumée d’encens), et une extraordinaire triptyque du XVIème siècle conservé à part, dans une petite chapelle, et que je ne peux seulement vous présenter sous sa forme libre de droits, les photographies étant interdites pour des raisons de conservation. Longtemps attribué au « Maître de Moulins », cette oeuvre magistrale a aujourd’hui un véritable livret de famille, puisque de récentes recherches ont démontré qu’elle avait été peinte par un certain Jean Hey, pour le compte du Duc de Bourbon Pierre II, et sa femme, la fameuse Anne de Beaujeu. A lui seul, ce triptyque vaut le déplacement jusqu’à Moulins, tant par le rendu de ses couleurs, qui n’a rien perdu de son caractère vibrant, avec ses rouges si profonds, presque faits de velours, et cet étonnant arc en ciel qui rappellera à certains le fameux Christ de Matthias Grünewald, que par le naturalisme vivace de ses figures humaines, chacune paraissant animée par une vie propre. A remarquer également, le syncrétisme de ce tryptique, qui assure une synthèse parfaite entre l’école du Nord, et celle de l’Italie du Quattrocento. Il était en effet fréquent à l’époque que des peintres tels que Jean Hey soient itinérants, étant soit appelés par diverses cours princières pour travailler à leurs services, soit voyageant de leur propre initiative afin d’enrichir leur art d’influences externes.
Il existe, au sujet de la Maison Mantin, une légende tenace, c’est que son propriétaire, le riche bourgeois Louis Mantin aurait, dans son testament, offert de léguer sa fastueuse demeure à la ville de Moulins après son décès, à la condition sine qua none que celle-ci accepte d’en ouvrir les portes au public cent ans après sa mort, et pas un jour de moins. Rien de plus faux en réalité, puisque, d’une part, la Maison Mantin a été inaugurée au public pour la première fois en 1910, soit cinq ans après la mort de Louis Mantin, et que si elle s’est tenue entre temps close au public, jusqu’à sa réouverture en 2010, c’est pour la simple et bonne raison que d’importants fonds étaient nécessités pour la conservation de ses collections. Une chose, en revanche, reste vraie, c’est que son propriétaire aurait exigé de la ville que sa demeure, ainsi que le musée Anne de Beaujeu qui lui est attenant, reste ouverts aux visiteurs, et soit préservée en l’état, afin de pouvoir leur présenter « dans cent ans, un spécimen d’habitation d’un bourgeois au XIXème siècle ». On s’y promène en effet comme en 1890, c’est bluffant ! Tout, ici, semble en effet en suspens, chaque objet, bibelot, paraissant être animé d’une vie silencieuse, comme en attente d’un retour providentiel de leur propriétaire; si la Belle au Bois Dormant était une maison, ce serait à coup sûr la Maison Mantin. Pour moi qui aime tant les maisons-musées, en découvrir ce si beau spécimen fut un véritable plaisir, et ce sur trois étages richement meublés, décorés, ainsi que pourvus d’attendrissants témoignages de leurs temps, comme la salle de bain ou les cabinets -oui, cela peut être touchant des cabinets !-, créant ainsi une impression de capsule spatio-temporelle.
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Qui dit Pauline et moi dit séance photo, aussi, c’est en vous accompagnant dans l’image que je vous ferai découvrir cette demeure d’exception…Suivez-moi !
S’il y a bien un recoin de la maison qu’il me tardait de découvrir, après en avoir vu d’alléchants prémisses en préparant ma visite, c’est bien l’escalier, et quel escalier ! Trois étages de bois vernis, pour une couleur d’une renversante rondeur, comme un caramel brillant, laqué à souhait, dans lequel l’on voudrait se fondre, oh et des fresques, des fresques si minutieuses, si finement exécutées, qu’elle auraient apparement nécessité une restauration de haute-voltige…Je pourrais aussi vous parler des vitraux, des tapis mauresques, mais à ce stade, j’ai déjà abusé des superlatifs. Mea culpa.
La chambre de Madame, pur florilège Louis XV et pastiche d’une étonnante justesse, jusqu’aux tableaux qui, eux, sont authentiques. Mais ce qui m’intéresse le plus, c’est l’histoire de la femme de Louis Mantin, et surtout le terrible sort qui lui fut réservé, conservatisme de l’époque oblige, une conservatisme qui était d’ailleurs particulièrement actif dans les sphères bourgeoises.. Alors, quelle était donc à sa faute, à cette Louise Alaire dont pas un portrait ne subsiste, tant fut grand le scandale ? D’avoir été déjà mariée au moment de sa rencontre avec Louis Mantin, tout simplement, et tant pis si elle fut sa compagne jusqu’à la fin de sa vie. La seconde moitié du XIXème dans toute sa splendeur….
Il semblerait que Louis Mantin ait été un grand amateur de tapisseries du XVIIème siècle, dans le style Aubusson, car l’on en rencontre à de nombreuses reprises dans sa demeure, et je dois dire que c’est toujours un plaisir.
La Chambre du maître, un chef-d’oeuvre de goût Renaissance, digne des châteaux de la Loire. Très beaux cuirs dorés sur les murs.
La salle de bain, déjà renversante de confort moderne. En plus d’une alimentation à l’eau chaude et froide, d’une douche -et non un vulgaire tub-, elle dispose également d’un chauffe-serviettes, c’est dire ! Le long des murs, les fresques, tantôt antiques, tantôt naturalistes, parées de délicates teintes de carnation, sont véritablement exquises.
Le bureau, avec sa tapisserie, sa crédence néogothique, ses coffres façon mauresques et ses curiosités, dont un véritable crâne humain et un petit crabe, ses boiseries cirées comme du vieux cuir…Tout, ici, suggère un luxe chaleureux, quelque peu rustique, façon retour de chasse, et typiquement dans le goût de l’éclectisme de l’époque, qui mélange historicisme et orientalisme, pour une décoration tendant au voyage…
Le Grand Salon
Quel délicat travail sur ces vitraux….Ces couleurs !
Le dernier étage est truffé de curiosités: bustes, oiseaux naturalisés, pierres, verreries, orfèvreries…Un festival, et superbement mis en scène qui plus est !
Depuis l’observatoire, orné de médaillons figurant les fables de La Fontaine, superbe vue sur la cathédrale.
Notre journée s’achève en beauté par la visite du Musée Anne de Beaujeu. Attenant à la maison Mantin, il se situe dans un bâtiment de style Renaissance, édifié entre la fin du XVème siècle et le début du XVIème dans un style très ouvragé, avec des bas-reliefs représentant les armes et les symboles choisis par la maison des Ducs de Bourbon. De part le large éventail des époques et médiums artistiques qui y sont représentés, et qui va de l’égyptologie à l’art préhistorique en passant par la Haute Renaissance et la peinture de la seconde moitié du XIXème siècle, le musée Anne de Beaujeu a reçu le surnom de « petit Louvre en région », une attribution qui n’a pas été volée, tant sont riches ses collections.
Ma salle favorite, mais comment en douter autrement, est la grande galerie de peinture de la seconde moitié du XIXème siècle qu’accueille le musée, et qui présente un accrochage tout à fait au goût de l’époque comme l’on pouvait en voir dans les Salons -avec majuscule, et avec minuscule- et les expositions. Que d’oeuvres et de noms majeurs y sont exposés, c’est un véritable best of, que dis-je, un who’s who de la scène artistique « mainstream » de l’époque: Rochegrosse, Luminais, Laurens, Bouguereau, Pelez, Henner…Tous sont là ! On y trouve également quelques artistes symbolistes, comme le mélancolique Alphonse Osbert, ainsi que cet inépuisable puit -c’est le cas de le dire- à mêmes : la fameuse Vérité sortant du Puit de Jean-Léon Gérôme, qui surprend par ses dimensions relativement modestes.
Au revoir Moulins, quelle belle journée ce fut….J’espère qu’elle vous a plus également, en attendant, je vous quitte en images, merci de m’avoir lue.
Pour plus d’informations : Musées Allier
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From Paris with Love !
Louise
Hello Louise and greetings from London,
It’s so lovely to see you’re well and posting on your blog again. I was worried you may have stopped blogging. That would have been such a shame.
You look exquisite in both dresses. The jewel tones look so elegant on you, and the setting is very opulent.
Keep up the good work.
Saba x
p.s – I wish I could understand French.
De très très belles photos qui rendent grâce à la maison Mantin et au Musée ainsi qu’à la ville de Moulins, en espérant que ça donnera envie à pleins de gens ! Merci pour la re-visite ;)
Je n’aurai jamais pensé vous voir à Moulins. Une belle ville injustement ignorée. Mais c’est tant mieux. Qu’elle tests épargnée par la « modernité ». Vous n’y déparez pas. En avez-vous profité pour visiter le centre national du costume de scène?
J’aimerais tant lui rendre visite!
(Ceci n’est un commentaire…)
pasJ’ai cru en déceler quelques autres dont je suis moins sûr, mais en tous les cas, petite coquille finale:
« […] j’espère qu’elle vous aura plus également […] »
N’est-ce pas « plu » ou quelque chose comme ça?
Sérieusement, est-ce que c’est le plus important à retenir de tout cet article..?
J’avoue :D
Que j’aime tes articles de blog Louise !!!! Les photos sont toujours sublimes & celles-ci ne font pas exception à la règle. Quel plaisir de découvrir ces deux musées si peu connus & cette jolie petite ville (je la connaissais seulement de nom pour y être passée plusieurs fois en train). Et quelle chance folle vous avez eue de visiter des musées (ça parait dingue d’écrire ça) !!! Merci de partager ces moments avec nous
Laura
merci pour ce superbe reportage, très enrichissant et inspirant. mon dieu, mais qu’est ce que j’ai hâte de redécouvrir en vrai ces lieux…
Cela fait un moment que j’avais Moulins sur ma liste de lieux à visiter à cause du musée des costumes de scènes que je rêve de visiter. Mais là, j’ai encore plus de raison d’y aller, et pas seulement sur une journée.
Tes photos et celles de Pauline sont magnifiques. Le choix des robes est parfait. Elles se marient tellement bien au décor.
Merci, mille mercis!!!
Je note cette ville dans un coin de ma tête, elle a l’air vraiment belle, et ce musée fait très envie ! Tu es magnifique sur ces photos.
Bonjour
Merci pour cette belle visite de la ville de Moulins aux briques roses ou j’ai vécu mon enfance. Certaines photos me rappellent ce poème
Bien souvent je revois…
Théodore de Banville
Bien souvent je revois sous mes paupières closes,
La nuit, mon vieux Moulins bâti de briques roses,
Les cours tout embaumés par la fleur du tilleul,
Ce vieux pont de granit bâti par mon aïeul……
Avez-vous marché sous ces tilleuls de ces jolies cours? Avez-vous visité la Mal-Coiffée en face de la Cathédrale de Moulins et à côte du Musée Anne-de-Beaujeu?
Merci pour vos belles photos
Merci à vous de mettre en avant avec tant de grâce, notre ville d’art et d’histoire où trônent paisiblement tant de trésors. Outre ceux délicatement et merveilleusement présentés dans cet article, il y a aussi pèle mêle le CNCS, le musée de la visitation, mais encore le Grand Café, lieu où Gabrielle Chanel est devenue Coco ! (elle interprétait dans la mezzanine la chanson « qui qu’a vu Coco »), et d’autres encore. Moulins ne demande qu’à être découverte, encore merci pour elle. Un amoureux de son Bourbonnais
You Louise should be the Queen of France in 21 century only you,really right now. I have for even political conception how ton do it, in thees vert wrong times for the feminism and woman fashion, the times of strang pandemia, why strang, because for exemple in the times of Coco Chanel there was no masks in the shops. I would write more but I have to look for money for the my breakfast, and for woman jeans for me. When I was in Spain the spanish feminists gave me many trousses. Now I am in France in Occitanie in Port La Nouvelle and there is no trousers, instead that was one french feminist, her name is Fanny, she gave me a little bit of rating supers, but she stoppés suppers. Why am I writing about that, simple, low money is the barrer in construing casual thesies, low money, no good spleen. All what the best for You Louise, You are very carismatic and Your style is full of majesty typical for gentry and arystocration, I Know that, because my descent is also connected with the gentry. Good luck Louise, best regards.