Pictures by Daniela Petrel
Il y a à Paris un lieu qui m’est très cher et que pourtant rien n’indique, si ce n’est une simple plaque que ne regardent plus les passants affairés qui longent le 19 quai Bourbon. Ici, on ne vient trouver nul musée ni brasserie ancienne, mais seulement le souvenir d’une grande artiste, d’une femme excessive qui entre ces murs vécue longtemps cloîtrée avant connaître le gouffre et la fin terrible dans plus de trente ans d’internement psychiatrique. Camille Claudel, un nom qui ne peut être prononcé sans évoquer celui d’Auguste Rodin, son amant, son mentor, sa perdition aussi. Comme le disait son frère Paul Claudel le grand dramaturge, en Rodin Camille avait tout misé, et par lui elle a tout perdu. J’ai toujours été bouleversée par les mots qu’il lui consacra, en particulier sur l’Age Mûr, ce testament de souffrance d’une femme amoureuse : « Ma soeur Camille, Implorante, humiliée à genoux, cette superbe, cette orgueilleuse, et savez-vous ce qui s’arrache à elle, en ce moment même, sous vos yeux, c’est son âme ».
Camille, je l’ai découverte grâce au film éponyme sorti l’année de ma naissance, et ce film j’ai du le voir 5000 fois tant il me bouleverse, me transperce meme. J’y retrouve, comme dans un miroir déformant, mes amours irraisonnées, la violence qui parfois m’anime pour ne plus me lâcher, et cette volonté butée, sans compromis, de celles qui vont droit au mur. Non, Camille n’étais pas folle, et je pleure pour elle comme pour toutes ces femmes que le société a jugée gênantes; et pourtant, que de beauté, que de fragile sensibilité dans son œuvre, celle d’Une Femme assurément, comme le nom de cet extraordinaire roman d’Anne Delbée que je vous invite a lire, véritable cri du coeur qui résonne encore dans mes nuits.
Et c’est ainsi grâce à ce merveilleux film interprèté avec passion par Isabelle Adjani et Gérard Depardieu, que Camille Claudel a été tirée de l’oubli dans laquelle son œuvre comme sa personnalité sommeillaient depuis le debut du siècle dernier. Aujourd’hui, bien que la féroce sculptrice ait détruit rageusement la plupart de sa production, des livres lui sont consacrés, des expositions lui sont dédiées, et ses œuvres sont aujourd’hui présentes dans les plus grands musées, y compris -ironie du sort- au sein du musée Rodin. Alors, si comme moi la mélancolie vous prends et que vous désirez venir rendre hommage à cette belle et noble femme que la vie n’a pas épargnée, rendez-vous au 19 quai Bourbon, vous m’y trouverez peut être…
Dress : Boden Clothing / Tights : Wolford / Trenchcozt : Comptoir des Cotonniers / Shors : Jonak / Béret : BeauXoXo
From Paris with Love,
Louise
Bellissima